Ouais, j’en ai marre de cette injonction à fêter Noël.


Ouais, j’en ai marre de cette injonction à fêter Noël. J’ai même envie de dire que Noël me saoule. En tous les cas, c’est généralement mon état à la fin du repas. Comme vous tous. Ceux qui essaient encore de tenir droit après la bûche, on vous voit.
C’est mon état tout simplement parce que j’ai pas envie d’être là, et contrairement à beaucoup d’entre vous, je ne le cache pas.
Aussi, en vérité, ce n’est pas tout fait ça. Il m’arrive de le fêter parfois. Je vais pas vous raconter ma life, mais fêter Noël, pour moi, c’est compliqué. J’y prends rarement du plaisir, comme les périodes un peu maigres en termes d’orgasmes, la dinde n’est pas toujours très bien fourrée.
Pour diverses raisons, c’est une fête que je déteste, que je fuis comme la peste en priant que décembre passe vite et que janvier vienne à ma rescousse et me déleste du poids de cette crasse sur ma veste comme un week-end à la cambrousse.
J’entends qu’on puisse adorer Noël et les huit octaves de Mariah Carey qui viennent vous percuter de plein fouet, vent d’hiver vocal qui pour ma part fait saigner mes oreilles comme après une déchirure… je ne finirais pas cette rime en al, elle fait trop mal.
Sinatra passe encore, faites un effort.
C’est des mois de prises d’otages, de films nazes, de chansons, de bêtisiers, de publicités… sur n’importe quel support. Si vous vouliez passer au travers, c’est un peu comme vouloir oublier le prénom de votre dernier amour toxique, c’est mort.
À bouffer tout ça depuis trois mois, je ne sais pas comment vous trouvez la place d’ingurgiter du foie gras. T’es déjà plein avant de commencer, contrairement à ton compte courant parti en courant, fondu comme neige au soleil de printemps.
Je ne fustige pas les gens qui aiment, en soi, je dis juste qu’on ne fait pas assez attention aux gens qui n’aiment pas. Pour ma part, j’aime pas vraiment et je le fête pas souvent. Et justement, c’est ça qui me fait du bien. N’avoir la contrainte de rien. Je le vis pas mal parce que ça reste une date, mais pour ceux qui se sentent mal, seuls, pour qui c’est rude, c’est comme les rappeler très fort à cette solitude. D’ailleurs, il ne faut pas être forcément seul à Noël, pour ne pas aimer. Parfois, ça vous rappelle juste à quel point vous faites semblant de sourire et d’être content. Content d’être en face de votre oncle raciste, d’avoir eu une bouteille de vin qui aura le goût de pisse ou des bocaux de confitures achetés à l’épicerie du coin, alors que vous détestez ça depuis que vous êtes gamin. N’oubliez pas de dire merci à Tante Martine pour son cadeau venu tout droit de Chine.
Parfois, Noël ramène juste à la déception de se rappeler pourquoi on a mis entre sa famille et soi un mur, un pont, une région. Aussi, Noël parfois, ne symbolise rien et sans amertume, vous avez le droit. Vous n’êtes ni à prendre en pitié ni un ovni. Chacun sa vie.
À ceux qui aiment, profitez. À ceux qui n’aiment pas, profitez. À ceux qui aiment, mais à qui la SNCF a fait le joli cadeau de tout annuler, amen, je suis avec vous. À ceux qui n’ont pas envie de le fêter, ne souhaitent pas le fêter, sont seuls, le vivent bien, le vivent mal, à ceux à qui ça en touche une sans bouger l’autre, je suis avec vous aussi.
À tous, avec mon verre de vin, je vous dis « Santé ! », quoi que vous fassiez, ne soyez pas tristes, ne vous sentez pas mal ni anormal. Je pense à vous. On est ensemble.