Parce que grâce à toi, je tiens encore debout et je ne dirai jamais plus de toi que tu es ma jambe de bois.


Je ne sais pas vraiment comment ça a commencé, mais je sais comment ça a fini, à la manière de ta meilleure pote qui crushe sur un mec toxique : mal.
Au départ, j’avais un peu mal au dos, à force de rester assise, jambes croisées, telle une marquise courbée, le nez collé à son clavier. Mon buste, ayant toujours eu l’épaisseur d’une crêpe, j’ai toujours eu tendance à me tenir comme elle, étalée, quand je suis attablée. Je me tiens aussi droite qu’une demi-molle, normal qu’à un moment, il m’arrive des bricoles. Des heures à vous écrire (je veux pas vous culpabiliser, mais il semblerait donc que vous ayez une part de responsabilité). Je mens, j’ai passé des heures à vous écrire surtout pour le plaisir, car mes articles me permettent seulement de financer une boîte de tampons par cycle. Nous dirons simplement que j’ai beaucoup travaillé en règle générale. Et ça, c’est plus que cinq jours par mois.
Bref, maître yogi que je suis ne s’est pas assez étiré, échauffé toutes les deux heures et beaucoup de contrariétés ont aussi chagriné mon petit cœur. Si bien que mon corps a fini par le manifester. Tu les vois les manifs des retraites ? Ben, tu as toute la France qui s’est levée comme un seul homme en moi, afin de ne pas prendre perpète, pour s’égosiller et crois-moi, ça m’a pas fait rigoler. Moi aussi, j’avais des slogans bien vénères à portée de trachée. Et doucement, j’ai commencé à boîter.
Ouais, j’avais mal bien au fond des reins, j’en avais même plein le dos. Mais, rien qui ressemble au tien après le samedi soir où t’as pécho. Beaucoup de boulot et beaucoup de chagrin. Ça pèse lourd parfois, le poids des mots, le poids du faux, le poids des autres sur votre dos. On accumule, on se tait, et finalement, le corps parle. Le mien est devenu une épée et mon cul, son enclume. Et quand ça plante, ça fait pas l’effet d’une plume.
J’avais une douleur dans la fesse, bien tenace, et c’était pas suite à une claque durant une levrette bien salace. Non, une douleur était en train de faire son nid. C’est vrai qu’il fait bien chaud par ici.
Je l’ai pas écouté ce corps en train de se révolter à la manière de la CGT au premier rang d’une manif pour une retraite que l’on n'aura jamais. Il a crié, et j’ai fait comme en Macronie (pour vous dire tout mon mépris), comme si ma petite voix ne m’avait rien dit (Pas content, on t’a dit, t’as toujours pas compris ?).
Il était déjà trop tard quand j’ai voulu me sauver. J’avais décidé de freiner en quittant Paris et ses rues soudainement trop exiguës pour ma peine, trop petites pour mes poumons, et je suis partie à Bruxelles.
Je voulais prendre du temps pour moi, mais ce fut un échec : mon corps m’a dit “Je m’en balec !”. De mon bassin à mon pied, tout s’est bloqué et je suis restée clouée dans un lit. Alors, certes, ce plafond bruxellois était joli, mais je préfère quand même le mien, à Paris. On se connaît mieux, lui et moi, et je lui parle plus facilement dans les yeux de mes ennuis. @T9samère (oui, je connais cette personne mythique) était avec moi et a eu la délicatesse de ne pas mettre mon cul nu en story, tandis qu’un osthéo m’auscultait comme une vache mettant au monde un petit. Pas faute de ne pas y avoir pensé, mais le son et l’image auraient été censurés. Et ma dignité, on va pas en parler.
Du coup, j’ai à peine réfléchi vu que je pleurais ma mère, j’ai laissé @T9samère et je suis rentrée chez moi, nique sa mère.
Et là, j’ai compris. ça commençait juste, et crois-moi lecteur, fais-toi couler un café, assieds-toi et mets un petit coussin derrière ton dos, si tu ne veux pas finir comme moi, c’est pas fini. Ça va swinguer ! Ah, ben non, en fait, pas trop.
Tu connais le corps médical ? Ben, moi je l’ai connu, il m’est passé entièrement dessus. Comme dans ta ville, à part le train, tout le monde est venu. Mais, après tout, on est en France, normal qu’il soit en grève, même pour mes petites fesses en veux-tu.
Ces derniers mois, mon corps, lui, n'a pas fait grève. C’était sa fête, mais côté plaisir, j’ai été quelque peu déçue.
Je vous passe les détails de mon infection chronique du nichon, qui m’a valu deux échos, pleins de rendez-vous chez mon généraliste (pardon, la remplaçante du remplaçant de la remplaçante de mon généraliste qui me suivait en début de piste, et je vous ai même pas encore parlé de mon kyste) et chez mon gynéco qui m’a dit, sans un sursaut (après avoir vu pour la énième fois mes miches de rats tous mignons), qu’il serait judicieux que je me badigeonne de miel à foison.
Et là, je suis restée calme (Qu’on me décerne une Palme !) face à cet immense élan désertique de bons conseils pratiques, où en six mois mon nom n’était plus que : “Ça nous fera 60 euros, Mademoiselle.” (Décernez-moi un Prix Nobel !) pour signer un nouveau chèque et ne pas penser à ce stylo entre mes mains que, de désespoir d’une histoire sans fin, j’ai envie de t’enfiler cul sec.
Santé qu’on disait !
Ouais, je parle pas mal de mon boule qui chamboule, c’est devenu une obsession, car ma condition manquait cruellement de la vision d’une belle lune en pleine force de l’âge. La mienne, mais surtout celle d’un beau mâle et de tout son bel équipage avec qui je partirais bien à l’abordage. Mais, quand vous vous sentez mal, c’est difficile d’envisager une petite soirée qui sera plutôt à des fins calmes qu’à la réalisation d’un moment crucial, sans même pouvoir ajouter bestial.
Il existe quand même de belles âmes (à mon stade, j’aurais presque envie de dire charitables, mais restons honorables, je reste une meuf royale) qui comprennent que vous n’êtes qu’une étoile de mer, malgré tout votre caractère souvent qualifié de volontaire, et qui prennent quand même soin de vous, dans l’optique d’être ce qu’il y a de plus doux pour vous satisfaire. Et croyez-moi, ça ne se trouve pas partout. Pour beaucoup, quand le mal ne se voit pas, il n’existe pas. À tort, car il mine tout l’intérieur de vous bien que vous n’explosiez pas.
Et mon fiak, je pense qu’il pourrait illustrer des bouquins de fac de médecine. S’il existait une section, je serais en Une de Mym. Ces derniers mois, il a plus été vu par des médecins, de gentils inconnus, que par des mecs à qui j’ai eu envie de dire “Bienvenue !”.
J’ai vu des tonnes de spécialistes, ostéos, rhumatos... On m’a d’abord dit lumbago, puis sciatique, puis triple hernie discale, après une IRM où je tenais aussi bien en place que ton grand-père de 88 ans à l’équilibre un peu bancal. Enfin, on m’a dit lombosciatique. Bref, le seul truc que je sais, c’est que ça nique.
Je remercie d’ailleurs ce médecin qui n’a rien trouvé de mieux à me dire que “Calmez-vous Madame.” alors que j’étais suuuuuuper caaaaaaaalme. Mon corps ne voulait juste pas prendre une certaine position, bloqué jusque dans mon âme, sinon, crois-moi, il aurait repris sans difficulté ses positions initiales et je ne serais pas là à me montrer dévêtue en position fœtale.
Comme il me l’a dit ensuite, je veux bien qu’il y ait une dimension psychologique, mais la sensation du couteau qui te déchire la fesse droite comme vous auriez une déchirure anale n’était pas une blague. Non, j’avais toujours pas envie de rigoler et même en essayant de m’imaginer au soleil dans une forêt, mon corps en son for intérieur était totalement en train de se faire charcuter. Donc, j’ai payé 80 balles non remboursables et je me suis cassée.
Et même si en France, on est partiellement remboursé, j’ai bien investi l’équivalent d’un bon gros voyage à l’étranger pour me faire soigner. Entre consultations, examens, infiltrations (où l’on m’a entendu crier jusqu’à Tarascon en poussant un juron qui portait exactement le même nom), mon compte en banque aussi a eu bien mal au fion.
Et c’est pas fini, à l’heure où j’écris, je suis en train de prier pour qu'arrive enfin mon opération. Elle pourrait coûter 15 000 balles que je suis prête, je voudrais retrouver ma vie, et si vous voulez mon avis, perdre mon épargne ne me fera pas un deuxième trou de balle, parce qu’au final, c’est la douleur qui perd et c’est moi qui gagne. C’est pour vous dire mon état de détresse générale.
Je vous dis ça après coup, petit update de mon rendez-vous de ce matin avec mon chirurgien, suite à ma nouvelle IRM de la veille. L’opération aura bien lieu et j’ai bien ri nerveusement quand il m’a dit droit dans les yeux : “Par contre, je vois aussi un kyste ovarien. On vous l’a pas dit hier ? Sûrement émotionnel.” (Les gars, je vous jure, pendant deux secondes, j’ai pensé qu’il allait m’annoncer une bonne nouvelle.). Non. Les infos, ça va, ça vient comme un petit coup de cutter entre tes reins. Pas de problème, après le dos, je m’occuperai de mes ovaires. Point trop n’en faut, je suis plus à deux trois flammes près de l’enfer. J’ai plus de place sur mes post-its, et il va me falloir un poster pour noter tout ce que j’ai à faire. Et je vais le faire. Et pour la suite… Quelqu’un veut bien me lâcher les grappes avant que je les lui attrape ?
Sincèrement, émotionnellement, ça va, j’ai eu pire : quand j’arrivais plus à marcher, à sortir, à dormir, à baiser, à bouger sans pousser des râles, je me suis dit que j’avais de la chance de pas être aux Étas-Unis, car la douleur incessante et insupportable me donnait juste l’envie de me tirer une balle.
C’est difficile à faire comprendre aux gens. C’est comme expliquer que ça fait trois mois ou déjà six (Allez, c’est pour moi !) que tu as le doigt coincé dans une porte, sauf que là, c’est toute ta jambe droite, celle qui te porte, qu’on t’a taillée plus haut qu’un short, et que quelqu’un refuse de t’ouvrir (Si ce quelqu’un était un humain, sache que j’aurais juste envie de te pourrir !). Bref, à un moment, tu craques. La douleur est indicible et occupe chaque parcelle de ton putain de cerveau, quand bien même, t’as envie d’avoir une vie sociale et que t’as toujours une tonne de boulot.
Ton corps ne te laisse pas une seconde de repos et t’as même plus les ressources pour te dire que ça va aller, t’es juste en PLS, tu deviens un ours tellement t’as mal à en crever. Tu hibernes et le seul truc qui gouverne ton emploi du temps, tandis que ton moral est en berne maculant ton beau visage de cernes, c’est tes rendez-vous médicaux où tu ne sais plus te rendre, si ce n’est en te traînant et en chialant à gros sanglots. T’es une crampe géante et t’essaies de pas boîter, parce que tu as honte qu’on te sente diminuée, parce que t’es belle et jeune et forte et que t’as rien envie de montrer, pas même que t’es une loque. Y a que tes vrais amis qui savent et t’épaulent parce que sans le sentir, ils peuvent ressentir à quel point, depuis des mois, t’es en train d’en chier. Et ta kiné, Justine, une vraie meuf, just in qui m’a accompagnée pour m’aider à me recentrer quand j’arrivais dans son cabinet quelque peu désespérée… voire totalement défoncée. Oui, parce que j’ai passé des mois codéinée, avec tout un tas de médicaments que je pourrais revendre aux dealers qui traînent en bas de mon bâtiment.
Tu vas plus dans les bars ou tu restes debout, t’en as marre de marcher, d’avoir mal partout.
Vous oubliez les bars, les cinémas, les opéras, les coups d’un soir… tout. Tu te mets entre parenthèses. Ta vie, c'est marche ou crève. Ben là, tu marches alors que t'es déjà crevée. Pourtant, tu lâches pas, même si t'as toujours marché comme une parisienne enragée et qu'à présent, tu ressembles plus à une sudiste sous calmants qui avance au rythme des vacances d'été. Ta marche, c’est à l’allure d’un week-end du 15 août, plein d'embouteillages sur l'autoroute, en plus piteux état qu’un bagage abandonné dans une soute (Air France niera toute responsabilité coûte que coûte).
Et heureusement, dans ta tempête de fourmis qui circulent sans discontinuer en même temps que ta douleur dans tes muscles endormis, il te reste tes amis.
Ils sont tes béquilles virtuelles, tes ailes pour marcher dans la ville, quand ton courage vrille, ils te rappellent que c’est un tunnel, mais que dehors, toujours la lumière brille.
Ils ont de bons mots pour les maux qui dégringolent en larmes sur ta peau. De près, de loin, ils te consolent, te câlinent, te cajolent, te ramassent quand tu n’oses même pas dire que tu te sens comme l’égoût sur ta face qui fait corps avec le sol.
Ils te redonnent le goût, la force de continuer à avancer, et ils seront là, assis en salle d’attente, couchés avec toi dans ton canapé, pour te dire, continue, continue, t’es pas en phase terminale, t’as pas une maladie incurable, t’es plus solide qu’un château de sable, on sait tous que t’en es capable et ce mal, c’est toi qui vas lui botter le cul. Garde l'envie, bientôt, tout sera fini. Aime ton corps, il te porte encore, même au creux de la vague, il reste ta digue dans ton mauvais sort. Bientôt, tu danseras sur les comptoirs, garde l’espoir, il n’y a que la mort qui pourrait t’empêcher d’y croire. Salue ta douleur, elle te donnera juste l’envie de vivre tout ce qu’il t’arrivera de meilleur.
Alors, à eux, merci, à corps et à cris.