Tu n’as pas échoué, tu t’es échoué, c’est différent. Et c’est pas grave, vraiment.


Et un jour tu vas chez un psy.
Ne rigolez pas. Si vous riez, c’est que vous n’avez pas compris que vous en auriez bien besoin, vous aussi. Ce n’est pas une punition ni une faiblesse, c’est comprendre qu’il y a une solution à sa détresse.
Soit, tu te réveilles, soit, tu y vas sur un conseil, mais un jour, tu décides courageusement d’affronter ta cervelle. Parfois, tu ne sais pas vraiment pourquoi tu viens là. Enfin si, justement avec la sensation de ne pas savoir par où commencer. Comme dans un gang bang, trop de choses à s’occuper.
Assis sur un fauteuil, tes petites fesses aussi lourdes qu’un trente-six tonnes qui auraient autant d’ordures à vomir que le nombre de fois où tu aurais déchargé dans un corps inconnu. T’as bien compris, je vois en toi le touriste qui aurait fait plusieurs fois le tour du monde du cul. T’as des pensées plein les tiroirs et des nœuds au cerveau, il y en a plus que toutes vos bourses alignées en jolis colliers de grelots. Des trophées et des trophées de charots, c’est pas mal en déco.
Bref, tu y vas pour quelques problèmes persos et psychos ; des choses pas réglées, quand personne ne t’avait rappelé qu’il serait bien de passer à la caisse pour éviter de se traîner une ardoise aussi lourde que l’épargne d’Elon Musk sur sept générations vivant dans l’espace. Il est temps de sortir les dossiers pour un contrôle fiscal et remettre à plat ta pensée. Ranger, classer, faire peau neuve, comme un gazon ou une fellation bien taillés. Ça vide la tête et tout ce qui peut te rendre plus léger.
C’est un peu effrayant au départ, tu as peur d’être le maillot de rugby boueux qu’il faut mettre en machine à 90 degrés, essorage 1400 tours. Certes, tu vas ressortir tout propre, mais tu vas quand même un peu taper ta tête dans le tambour, comme ton père avec toi quand tu étais in utero. Les images, c’est pour moi, c’est cadeau.
Il faut le temps de comprendre que tu es une baleine, un migrant, un cachalot, bref tout ce qui te ferait de la peine de voir scandaleusement passer de l’océan à un bloc mort au bord de l’eau.
Tu n’as pas échoué, tu t’es échoué, c’est différent. Et c’est pas grave, vraiment. T’as juste besoin d’aide maintenant. Et tu n’es pas mort, donc il est encore temps.
La psychothérapie, c’est un peu comme la cuisine : t’es un petit poivron et tu marines entre deux séances, tu macères pour comprendre, accueilles les arômes pour avancer et tu reviens la fois suivante avec ton petit panier, tes ingrédients pour te mettre aux fourneaux, le cerveau en douce fournaise qui crépite. Les cendres endormies, les braises qui chahutent, il faut tout titiller avec ta baguette. Certes, ça fait mal, mais dis-toi que guérir et grandir, ça reste aussi une fête. Même si parfois, effectivement, ça ressemble à une fête de famille que tu voudrais oublier, si le Ricard ne s’en est pas déjà chargé.
Les séances, c’est un peu comme visualiser un oignon (pas le tien Jean-Luc) que tu épluches en une multitude de couches, découpes en morceaux, en te coupant le bout des doigts et en sachant pertinemment que ça va piquer les yeux et que tu vas pleurer ta mère en même temps que tu l’insultes. Mais ce n’est pas vain, l’oignon, c’est tout ce travail qui amène ce petit supplément d’âme au plat à la fin. Faut souffrir un peu pour aller mieux.
En même temps, ton état n’était-il pas pire à mettre toute la poussière sous le tapis, les squelettes dans les placards et les monstres en-dessous du lit ? C’est pas très Feng Shui. Mais ça va, tu gères, tu survis. Tu gardes tes craintes, tes non-dits, tes démons, tes pensées cheloues (oui, moi aussi, je me suis demandé ce qui se passerait si je mettais un coup de volant un peu violent à ma Fiat sur l’autoroute et dans ma tête, ça ne laissait pas grande place au doute. Anatomie de la banqueroute.), au lieu de tout dévoiler à une personne neutre qui ne va pas te dire entre TF1, le foie de veau et les frites « T’es complètement siphonné du bulbe Jean-Patrick. ».
Un psy, ça ne juge pas, ça ne compte pas les points, ça te fait prendre d’autres chemins pour comprendre ce qui ne va pas bien, ça délie tes poings, ça te fait revenir d’entre les morts en sous-marin.
Oui, des fois, t’es comme un mort qui a perdu l’itinéraire du monde des vivants, et vraiment, Google Maps pour t’aider à rejoindre le point de ralliement, c’est toujours des glands.
Ce qu’il faut comprendre, c’est que ça ne sera pas comme la victime en seconde à qui tu demandais de faire ton devoir de maths, il va falloir mettre un peu la main à la pâte (je crois que j’ai faim à vous parler de bouffe, amène les Kit Kat, tu vas en avoir besoin). Il va falloir mettre les mains dans le cambouis avec autant de finesse qu’un mécanicien pour réparer tes plaies. Mais, rappelle-toi qu’un mécanicien peut être aussi sexy que dans un pub Coca-Cola ou Brad Pitt torse nu sur un toit. C’est pas si terrible, c’est même un grand voyage. Tu ne trouveras jamais plus grand pays que tout ton intérieur à visiter. Il y aura des moments, certes, compliqués. Mais n’est-ce pas comme dans la vie : se retourner sur les pires choses, en rire, en sourire, car tu les as enfin dépassées ? Tu peux regarder quelques secondes dans le rétroviseur, n’oublie pas les angles morts qui t’ont fait peur, mais c’est bien l’horizon qu’il faut regarder en conduisant, c’est comme ça qu’on avance, non ? Sois à l’heure, la séance est la prochaine station.