Je vais pas vous donner mon vrai prénom, mais en latin, il signifie : blancheur, naïveté. Packaging complet pour commencer ses gammes dans l’existence à cloche-pied.


Alors non, je suis pas enceinte, enfin je crois pas, mais je fais assez de trucs pas très catholiques pour me permettre d’en douter. Sur un malentendu, sur un mâle trop tendu, ça peut craquer.
Soit, je porte quand même l’enfant en moi. Pas vous ? Je sais bien, quand on grandit, on oublie tout. Tout devient si sérieux que ça finit par rimer avec ennuyeux. J’aime pas m’ennuyer ou pas trop souvent, je suis comme les enfants, faut m’occuper.
Le corps grandit autant que l’enfant rétrécit en soi, s’échappe, se tait, happé par le monde adulte qui le culbute en première ligne pour le sommer de se prendre en main, de nager sans avoir pied et de dire au revoir à l’insouciance, le lit qui, hier encore, le berçait.
Au diable, esprit de candeur, on te calcule plus, on te donnerait même pas l’heure dans la rue. Aux yeux des grands, t’es comme Desigual, une erreur de casting qui dure qu’un temps.
Mais qui a décidé ça ? Vous, nous, les grands. Les adultes, ceux qui savent, ceux qui ont le pouvoir de mettre leur bulletin dans des urnes comme du PQ sur un monde sale. Les majeurs qui font des doigts aux générations d’après. Les gens de pouvoir qui n’ont que l’argent comme exutoire, les responsables qui pensent et dépensent dans des châteaux de sable.
Le monde des adultes est un espace tenu par des irresponsables où il faut prendre sa propre part de responsabilité dans la construction de l’Empire du bien, la déconstruction de l’Empire du mal ou la construction de l’Empire du mal et la déconstruction de l’Empire du bien. Ça marche aussi dans ce sens, c’est balo hein.
Ça va tellement vite qu’on oublie l’essentiel parfois. Juste la définition d’être là. Présent avec soi-même et que l’état d’être ne tient pas qu’au travail, à la condition sociale, à ta photo de profil ou au fait que tu te tapes la plus bonne de la plus bonne de tes copines.
Je vois des gens blasés, des gens attirés par les paillettes au goût de miettes, des gens ultra pressés, tellement, qu’on dirait qu’ils font de l’apnée, des gens qui se sentent trop importants pour ce qu’ils sont, des gens qui vendraient leur mère pour un peu plus de pognon, des gens qui se pavanent en soirée parce qu’ils ont besoin des autres pour être validés, des gens qui sourient quand ils ont envie de pleurer, des gens parfaits, car la société vous demande d’être parfaits même dans votre authenticité. On pense à la performance, à la réalisation constante. Si bien qu’on en oublie sa part d’enfant pour créer des adultes émotionnellement absents.
C’est naïf comme discours, pas vrai ? Je vous l’accorde, c’est peut-être ma pire qualité. La candeur. Je vais pas vous donner mon vrai prénom, mais en latin, il signifie : blancheur, naïveté. Packaging complet pour commencer ses gammes dans l’existence à cloche-pied.
Je suis connue pour ça : cette capacité à croire facilement les gens, à m’inventer des mondes merveilleux pour rendre le quotidien plus joli, à dire les choses spontanément, à rire ou à pleurer en deux temps trois mouvements. Je suis pas une femme-enfant pourtant, j’ai pas de problème de discernement, tu pourras jamais me marcher dessus facilement, je connais quand même ce monde de brutes, j’ai aussi l’esprit du combattant.
Autant je sais que c’est rude autant je me dis, saute dans les flaques, n’y pense pas trop, écorche tes genoux, on sait que les enfants, ça tombe beaucoup.
Je suis responsable, mais j’ai cette part de folie
du : “Rien n’est grave.”
du : “Est-ce que je prendrais pas un billet pour partir aujourd’hui ? ”
du : “Cette fleur est jolie et ce nuage aussi.”
du : “Je vous emmerde si on est dans la rue, et que pour aucune raison, je souris.”
du : “Il fait soleil même quand je tape le rythme de la musique dans un tunnel de métro.”
du : “Est-ce que tu as envie que je te laisse mon numéro ? ”
du : “Je te connais pas, mais j’ai confiance en toi.”
du : “Regardons si c’est beau avant de se demander si ça rapporte.”
du : “Que ça rapporte ou que ça rapporte pas trop, j’aime, alors je me mets au boulot.”
du : “Bien sûr que j’aime l’argent, mais il me donnera pas l’or du bonheur sur un plateau.”
du : “Je ferais des trucs fous par amour et même des trucs idiots, parce que rien n’est idiot quand c’est fait avec amour.”
du : “Je m’en fous de ce que pensent les gens.”
du : “Je dois me conformer, mais vous n’aurez jamais tout que je dédie à ma liberté.”
du : “T’es peut-être mieux placé, mieux payé, mieux pimpé, mieux tout-ce-que-tu-veux, mais t’as rien et t’es rien de mieux que moi dans ma réalité, et ce, qui que tu sois.”
du : “J’apprends par mimétisme et je te donne à hauteur de ton altruisme.”
du : “Je suis peut-être pudique, mais au fond, je m’en bats les reins, de vos regards, de ce qui est bien, de ce qu’il faut dire, de ce qu’il faut faire, de ce qu’il faut taire, tant que je vois l’enfant en moi qui fait la nique à tout ce gratin.”
Je tire la langue, je fais des grimaces aux gens odieux, au temps qui passe, enfant qui frappe la carapace au-dedans pour jours heureux. L’insouciance, dans tout ce que ce monde détruit, reste la meilleure alliée pour dealer avec la vie. La fantaisie comme réceptacle pour un univers conquis. Je rêve encore, même si j’ai grandi, même si je vieillis, même si ça pleut dehors, j’ai pas pris de parapluie.
Souvent, j’écoute en moi l’enfant qui dit : “N’oublie pas qui je suis, je suis peut-être la seule douceur qui te rappellera à quel point ce monde est joli, si tu le regardes tel qu’il est, sans le travestissement d’une société, dans la candeur de tes yeux gris.”
Si vous avez oublié l’enfant en vous, félicitations vous n’êtes pas naïfs, du tout, non. Simplement juste un peu con. J’ai choisi mon camp pour une vie douce, rien ne meurt et tout repousse dans l’âme fleurie des enfants qui jamais ne s’oublient.